Jean Teulé s’essaye une fois de plus au roman, ou plutôt à la chronique historique avec Mangez-le si vous voulez.
Ce court récit nous entraine dans la France du XIXe peu avant la chute de Napoléon III. Le pays est alors en guerre et de nombreux hommes sont mobilisés. Alain De Monéys, fils d’un riche propriétaire, est de ceux là. Un peu avant de partir au front, le 16 aout 1870 précisément, il se rend au village de Hautefaye, sans se douter qu’il vit ses derniers instants.
En effet, peu après son entrée au village, il va être massacré par la foule hystérique. Jean Teulé, nous narre donc ici, avec une rigueur scientifique les étapes du lynchage d’Alain De Monéys. Tout commence par un propos mal interprété et se finit sur le bucher. L’ordre chronologique des faits est strictement respecté, et chaque chapitre est agrémenté d’un schéma retraçant le parcours du supplicié dans le village.
On pense bien sur à un chemin de croix, à un martyr, et c’est ce qu’il est en réalité. Notre protagoniste est sacrifié sur l’autel de la souffrance du peuple, il est pour ainsi dire « le désigné coupable », il est choisit au hasard pour incarner tous les maux des villageois. Ce roman fait bien sur s’interroger ; jusqu’ou peut aller une foule en délire, dans quelle mesure les agissements collectifs protègent- ils de la culpabilité individuelle ? La masse se sent toute puissante, à l’abri de la condamnation, puisque cachée derrière le nombre.
Il est étonnant de constater que pris dans le feu de l’action, les habitants ne reconnaissent même plus leur victime, ils sont pourtant amis ou voisins dans la vie, mais aujourd’hui leur victime n’est plus que « le prussien », l’homme à abattre. Jean Teulé nous montre donc, au travers d’un crime unique dans l’histoire, de par son originalité, tout en utilisant un style mordant, cru, mais tellement réaliste, la facilité avec laquelle une situation ordinaire peut dégénérer en crime sanglant, commis ici, non pas par des assassins, mais simplement par des honnêtes gens, qui interrogés plus tard, affirmeront ne pas expliquer leur geste, ni pouvoir le reconstituer avec précision.
En un mot ce livre m'a vraiment bouleversée. Comme Mcchipie j'ai fait quelques recherches et effectivement tout est vrai. On a l'impression que ce genre de choses n'arrivent que dans les romans et pourtant, ici c'est bien une histoire vraie.
Un livre poignant qui fait réfléchir.