sandrine57 Plume de Légende
Messages : 1108 Date d'inscription : 26/04/2010 Age : 55 Localisation : moselle
| Sujet: C'est fort la France! de Paule Constant Jeu 21 Mar - 12:03 | |
| Une romancière reçoit une lettre lui reprochant de s'être moquée, dans son dernier livre, des charmes de la vie coloniale, et surtout d'avoir masqué les vrais drames qui s'étaient déroulés trente ans plus tôt à Batouri, dans un coin perdu du Cameroun. Lui rendant visite à Paris, elle reconnaît dans sa correspondance madame Dubois, la femme de l'Administrateur qui régnait sur ce petit poste français au coeur de la brousse lorsqu'elle-même avait six ans. En comparant ses souvenirs avec ceux de madame Dubois, la narratrice fait renaître dans une évocation féroce, véritable apocalypse comique, ce monde disparu aux couleurs de l'Afrique, où madame Dubois maintenait les rites surannés d'une métropole idéalisée. Après la publication d'Ourégano, un roman où elle racontait son enfance dans un village africain, une romancière française reçoit plusieurs lettres d'une dame qui l'accuse d'avoir déformé la vérité des faits. Au fil des courriers, la romancière reconnait Madame Dubois, l'épouse de l'Administrateur de Batouri, le village camerounais de son enfance. Elle décide d'aller à la rencontre de cette femme, désormais très âgée, revenue en France après toute une vie dans les colonies françaises en Afrique, et qui, dans les années 50, régentait la vie du village au nom du prestige de la France. Ensemble, elles vont confronter leurs souvenirs, leurs visions d'une Afrique qui n'existe plus que dans la mémoire de ceux qui ont connu le temps des colonies.
Batouri, c'est le Cameroun, la brousse, la poussière rouge, la chaleur accablante, la mouche tsé-tsé...C'est aussi un hôpital, une léproserie, un orphelinat et la belle maison de l'administrateur. Dans ce petit poste français, deux visions s'affrontent, celle de Madame Dubois au service de la France et celle des parents de la narratrice, présents dans un but humanitaire (le père est médecin). Si les deux se regardent avec méfiance et condescendance, elles ont pourtant en commun d'avoir transposé un petit bout de France en Afrique et d'être sûres de leurs bons droits. Si a priori on rit ou l'on s'offusque des pratiques de l'épouse de l'Administrateur qui sort l'argenterie à chaque repas, qui reçoit pour le thé chapeautée comme la reine d'Angleterre, qui organise une crèche de Noël dans la brousse, qui vante la supériorité de la France auprès de ses boys, on oublie vite le ridicule pour éprouver de la tendresse à l'égard d'une femme qui a quitté sa Normandie natale à 18 ans à peine et qui tente par tous les moyens de maintenir le fil de plus en plus ténu qui la relie à sa patrie. Etrangère en terre africaine, elle le devient aussi dans son propre pays où les membres de sa famille envient une vie qu'ils croient privilégiée et rejettent celle qui vit trop loin pour créer des liens. Réfugiée dans une vision fantasmée d'une France parée de toutes les qualités, elle a trouvé ce seul moyen pour vivre au mieux dans un endroit très différent de tout ce qu'elle a connu. Infâme colonialiste Madame Dubois? Amoureuse de l'Afrique sans se l'avouer, elle a peut-être moins à se reprocher que ceux qui ont mené des campagnes de vaccination forcée dévastatrices, que ceux qui se sont attirés la foudre des populations locales en chassant sur des terres sacrées... Avec beaucoup de tendresse, d'empathie et un humour pince-sans-rire assez jubilatoire, Paule CONSTANT raconte une Afrique d'un autre temps, très critiquée après la décolonisation, mais qui était la norme de l'époque. Loufoque et grave à la fois, son roman est un très bon moment de lecture. | |
|